13 octobre 2006

[Société] Aperçu d’un Paradis Perdu (par MizAxton)


Un tournant décisif a été initié en Colombie cette semaine lorsque le président Uribe a accepté d’ouvrir le dialogue avec les guérilleros du FARC qui retiennent actuellement plusieurs dizaines de hauts dirigeants (dont Ingrid Betancourt) en otage. Depuis son élection en 2002, le président colombien s’était allié avec un autre groupe paramilitaire (ELN) et avait toujours refusé de négocier avec le groupement des FARC, soupçonnés de longue date d’être en relation directe avec les narcotrafiquants qui polluent le pays. En démilitarisant certaines villes, il espère créer une entente historique menant à la libération de plusieurs otages.


La COLOMBIE :

Situé en Amérique du sud, entre l’océan Pacific et l’Amazonie, la Colombie est le 25è plus grand pays au monde et compte environ 45 millions d’habitants. On assiste depuis le début des années 50 à une croissance démographique impressionnante avec une population qui, comme la pauvreté, a triplé en 50 ans.
C’est aussi durant les années 60 qu’émergea du marasme économique, le groupe d’autodéfense rural qui porte aujourd’hui le nom de FARC (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia). A leur instar, plusieurs groupes paramilitaires vont se créer, d'abord dans les zones rurales, pour défendre les droits des ouvriers et des exploités, et un peu plus tard dans les villes. Tous ces groupes vont s'opposer plus ou moins violemment aux gouvernements colombiens successifs, et aussi entre eux, pour faire des milliers de morts et pour sacrifier plusieurs générations d’enfants.

La SITUATION :

La situation colombienne est une des plus alarmantes au monde:
On sait de source sûre qu’une pression américaine se fait sur le pouvoir politique corrompu afin d’obtenir des accords de délocalisation de villages entiers, et ce dans l’unique but d’exploiter le sol à la recherche de pétrole en faveur des usines pétrochimiques de l’Oncle Sam.
On connaît également l’étendue catastrophique des Cartels de la Drogue (cocaïne, principalement) qui se servent des agriculteurs appauvris et des enfants abandonnés pour faire tourner leur commerce.
On connaît également l’État martial permanent et les méthodes radicales du gouvernement face aux « rebelles » de tous âges. Chars, mitrailleuses, canons, soldats surchargés de munitions américaines, sont autant d’éléments normaux dans le décor colombien.
On ignore davantage les ravages provoqués par la création de champignons gloutons que les américains (encore eux) ont déversé sur des champs de pavots et de coca sans se douter que, d’une part, il finissait de ruiner les pauvres paysans cultivateurs au lieu de ruiner les trafiquants de drogue, et d’autre part que le champignon allaient aussi s’attaquer au reste de la végétation, dont la Forêt amazonienne.
On méconnaît également la situation critique qui voit de nombreux enfants être recrutés par les cartels de la drogue pour réaliser des assassinats commandités sans impliquer des hauts dirigeants de l’organisation. Les enfants, souvent abandonnés dans les rues des bidonvilles de Bogotá ou de Medellín, sont pris en charge par des commandos et entraînés aux méthodes de combats. On les appelle des "Sicarios" et ils se sont exercés à tuer des chiens errants avant d’être lâchés dans la ville avec une cible humaine à éliminer. La plupart des enfants meurent ensuite sur le trottoir, victime "d'effacement" ou de règlement de compte, sans que cela n’inquiète plus personne. Toutefois, la Colombie, comme bon nombre de pays hispanophones, est un pays très pieux, où la religion exerce une influence majeure sur les comportements humains. (lire à ce sujet: "La Vierge des tueurs" de Fernando Vallejo (adapté au cinéma en 2000 par Barbet Shroeder)

Le TOURISME:

Depuis quelques mois aussi, le gouvernement colombien a lancé une grande campagne pour redorer son blason, arguant que les attentats et les débordements avaient cessé considérablement, que le taux de mortalité par assassinat était redescendu dans une moyenne internationale acceptable et que les zones démilitarisées étaient plus fréquentables.
Il est évident que le passé historique et le patrimoine culturel de la Colombie sont d’une richesse sans pareil. Mais les circuits touristiques restent cloisonnés à des périmètres contrôlés. Le but est évidement de faire tourner l’économie du pays (au profit du blanchissement d’argent sale (qu’il provienne de la drogue ou de la corruption). C’est aussi une façon de détourner l’attention du tourisme sexuel et de la prostitution enfantine qui devient d’un seul coup, marginal par rapport à l’ensemble de l’activité touristique du pays.
L’objectif est de faire de la Colombie un pays normal, touristique, souriant et ensoleillé, comme le Mexique, la Bolivie, le Brésil ou le Pérou ; et occulter un instant aux yeux du monde la réalité sociale exécrable du pays (et de tout un continent d’ailleurs) abandonné aux relents communistes et marxisme, exploité de manière perfide par les États-unis et livré à lui-même entre les forces armées (financées par les USA qui fournissent armes, matériel et parfois contingent) et les forces rebelles (financées par le gouvernement grâce aux rançons perçues sur les enlèvements de dirigeants).
Comme le Salvador ou le Guatemala (où la situation n'est guère meilleure), la Colombie reste un pays dont les médias ne parlent que trop peu. Sans l’enlèvement d’Ingrid Betancourt, il est probable que l’ensemble du monde ignorerait les neufs dixièmes de sa réalité. J'espère que ce bref article sur une situation très complexe vous a un peu permis de mieux cerner l'étendue du problème colombien.