
(Deuxième partie)
La voix tremblante Denis demanda à la jeune femme :
- Mais qui êtes vous ?
- Je pense que c’est plutôt à moi de vous poser cette question, et surtout que faites-vous chez moi à une heure pareille ?
Denis sentit la frustration monter en lui. Cette jeune femme qui ressemblait tellement à celle qu’il avait tant aimé, celle qui s’était envolé avec l’amour qui lui restait. Et maintenant cette étrange jeune femme, qui sort de nulle part…
- Excusez-moi, mais j’avais besoin de prendre l’air, j’habite depuis peu ici et je voulais visiter…
- Ce n’est pas en rentrant chez les gens que vous allez pouvoir visiter le village et vous faire accepter par le voisinage.
- Vous savez pour être franc, le voisinage n’est pas une de mes priorités.
- Ça, j’avais remarqué ! Ceci dit, vous n’avez pas l’air dans votre assiette. Vous êtes sûr que ça va ? On dirait que vous tremblez.
L’inconnue avait raison. Denis ne savait plus quoi dire, il était de plus en plus désemparé et cette femme le déstabilisait complètement. Son regard le fusillait, lui martelait ses souvenirs.
- Encore désolé pour le dérangement, je suis vraiment navré.
- C’est bon pour cette fois. Mais avant que vous repartiez, est ce que je peux vous offrir un verre, un petit remontant ? Je pourrai vous expliquer l’histoire de notre village et de nos habitants.
- Mais…
- Allez, ne faites pas le timide ! Et puis je ne vois jamais personne, un peu de discussion avec un nouvel arrivant me ferait amplement du bien. N’ayez crainte, je n’ai jamais mangé personne.
- Bon d’accord, pourquoi pas…
- Ah oui, excusez-moi je ne me suis pas présentée. Je m’appelle Tara Ghivid.
La femme lui tendit la main, Denis l’attrapa et la serra. Il l’avait l’impression d’être dans un gouffre et qu’une corde venait à son aide pour le remonter jusqu’à la surface.
- Enchanté, je m’appelle Denis Craig.
- Enchanté Denis ! Allez suivez moi.
Tara s’enfonça dans les profondeurs de la nuit. Denis resta immobile comme une souche d’arbre. Il regardait la jeune femme marcher, elle portait en elle une grâce, peut être une vérité cachée, un secret intimement scellé. Il lui emboîtât le pas et il marchèrent tous deux vers le chalet. Arrivée sur le petit perron, Denis observa les moindres détails qui l’entouraient. Sur sa gauche, quelques nains de jardins étaient disposés en vrac, comme si ils avaient poussés des entrailles de la terre. Un peu plus loin se dessinait une fontaine apparemment, hors service. Elle était de couleur ocre et donnait l’impression d’avoir été taillée dans la pierre sur place. Sur ses contours, des taches de mousses apparaissaient.
Sur sa droite, quelques bûches étaient empilées telles des vestiges que l’on aurait égarés. D’après la taille des herbes, Denis constata que l’entretien n’était pas le point fort de Tara, mais il fit mine de rien. Le chalet ressemblait quant à lui, à un immense pain d’épices. Tout semblait anodin, la seule chose qui manquait dans ce décors était une boite aux lettres. Peut être que mademoiselle Ghivid n’avait aucun contact avec le monde extérieur tout comme Denis. Lorsque Tara ouvrit la porte d’entrée, un effluve d’odeurs venait se loger dans les narines de Denis. Il y avait comme un parfum de miel et de vanille. Denis crut un moment que le chalet était un chocolat et lui rappela un comte pour enfant.
- Allez, rentrez ! N’ayez pas peur, je ne vais pas vous manger tout de même, s’exclama Tara.
- Oui pardon, excusez-moi…
- Vous m’avez bien l’air perdu dans vos pensées si je ne me trompe. Mais bienvenu chez moi. C’est assez rustique et isolé comme endroit, mais je m’y sens réellement bien. Surtout la nuit, parfois on peut entendre les étoiles chanter.
- Ah bon ?
- Oui mais, c’est une façon de voir les choses. Il règne ici un calme absolu, ce dont j’ai le plus besoin.
Denis vit dans les yeux de Tara, qu’elle était sincère dans ce qu’elle disait. A sa manière de parler, on voyait qu’elle était totalement différente, voir bizarre. Mais la curiosité l’emporta et il voulait en savoir plus sur cette étrange femme au regard cristallin.
- Donnez-moi votre veste, je vais la mettre dans la penderie. Allez plutôt vous installer dans le salon. Je vais vous préparer un petit quelque chose que j’aime par-dessus tout.
- Qu’est ce que c’est ?
- Ah ça… Surprise ! C’est une petite recette de famille, qui s’est instruite de génération en génération. Seules les femmes de notre famille ont le droit d’avoir ce secret. Mais je ne vous en dirais pas plus. Avant de vous installer confortablement et pendant que je serais dans la cuisine, est ce que vous pourriez nous préparer un petit feu ?
- Oui, avez plaisir, lança Denis. Lorsque que j’étais jeune, j’étais un as au Scoot pour allumer des feux de camps.
- Génial ! J’ai déjà rentré quelques bûches. Je les ai rangées à coté de la cheminée. Il doit y avoir une boite d’allumettes qui traîne sur la table du salon et n’hésitez pas à mettre du papiers. Le bois risque d’être légèrement humide.
- Pas de soucis, Tara.
- Bon chacun au boulot, à tout de suite Denis.
Denis s’approcha de la cheminée et se mit accroupis. Il trouva tout de suite les allumettes et du papier. Mais avant de s’exécuter à sa tache, il se demandait pourquoi une jeune femme aussi magnifique lui offrait tant d’hospitalité. D’où venait cette femme aussi mystique ?
Elle reflétait l’ombre d’une déesse et venait éclaircir les pensées ombragées de Denis. D’où il était, il l’entendait chanter. Elle avait la voix mélodieuse tel un enfant de chorale. Finalement, il se détendit et se laissa emporter par la magie des choses. Il avait bien fait de marcher et se perdre. Se perdre dans une nature profonde qui vous regarde avec des yeux à vous irradier le cœur, l’esprit.
A suivre.
MindGame.