
(Cinquième partie)
Denis regarda droit dans les yeux Tara, comme si elle avait partagé son voyage.
- Ca va être prêt, encore quelques minutes… Je n’en reviens pas quand même, il est passé 05h00 du matin et je suis avec un inconnu qui s’endort chez moi et pour qui je prépare à manger…
- Vous n’êtes pas obligé de faire tout ça vous savez.
- Non mais, il est un peu trop tard pour que je vous mette à la porte, vous ne croyez pas ? Et puis pour être franche, pendant que je vous regardais entrain de dormir, vous me faisiez penser à quelqu’un de proche. Je ne saurais pas dire qui, mais vous avez un air familier.
Ce que Tara venait de prononcer, Denis se l’était dit en la voyant pour la première fois. « Léonore… » Non ce n’était pas possible, cela dépasserait l’entendement, la raison. Mais elle lui ressemblait tellement. Quasiment la même voix, la même douceur, la même gentillesse, la même hospitalité. Cela ne devait être que pur hasard. Mais combien de fois dans sa vie rencontre t-on la même personne sur quelques mois de temps ? C’en était de trop pour Denis, mais ça se lisait dans son regard, que quelque chose avait été déchiré à tout jamais. Sans comprendre pourquoi, il se laissa aller et commença à expliquer à Tara ce qu’il lui était arrivé et ce qu’il se passait depuis quelques mois.
- Tara, finalement je suis un peu dans le même cas que vous. Vous avez l’amabilité de m’inviter chez vous sans me connaître et je vous en suis très reconnaissant. Mais…
- On dirait que vous avez quelque chose à me dévoiler, s’exclama Tara.
- Oui…Il y a sept mois à peu près, mon épouse et moi vivions heureux dans une petite maison située près de l’Olgira. Nous nous aimions plus que tout. La vie avait pris tout son charme, nous regardions chacun dans la même direction, nous étions vraiment amoureux l’un de l’autre.
- Excusez-moi de vous interrompre, mais si c’est pour me raconter vos petits chagrins d’amour… oh et puis non, pardonnez-moi Denis, continuez.
- Elle s’appelait Léonore, nous nous étions rencontré dans un séminaire sur les sciences cognitives, d’ailleurs j’ai pu remarquer que vous vous y intéressez aussi. Depuis l’âge de mes vingt deux ans, je fais des rêves étranges. J’en avais parlé à mon meilleur ami, qui m’avait conseillé d’aller voir un psychologue. Mais j’étais trop fière de ma personne, alors j’ai préféré mener ma petite enquête tout seul. J’ai commencé à me documenter, à chercher une vérité dans les livres. Jusqu’au jour où j’ai décidé d’assister régulièrement à des séminaires. Des gens venaient témoigner sur leur troubles et finalement je me sentais de moins en moins seul.
- C’est bien la première fois que j’entends quelqu’un faire ça. Mais d’un coté ce n’est pas plus mal. Continuez, Denis…
- J’essayais toujours de me mettre en retrait, le fond était devenu mon territoire. J’observais mieux ainsi les gens témoigner sans qu’eux me voient. Jusqu’au jour où, une demoiselle est venue témoigner de ses problèmes. Mais lorsque je l’ai vue, je n’ai plus du tout écouté ce qu’elle disait. J’étais comme envoûté, désorienté.
Tara interrompit Denis, la bouilloire de la cuisine était en alerte.
- Excusez-moi Denis, je vais vite nous servir ça et vous pourrez continuez. Vraiment désolé.
- Je comprends, faites…
La jeune femme partit dans la cuisine. Denis entendait quelques bruits de couverts tomber par terre, des injures dérisoires de la part de Tara. Mais maintenant qu’il avait commencé à raconter ce qu’il lui a déchiré l’âme, aurait-il envie de poursuivre ? De toute manière, Tara le mettait de plus en plus en confiance, comme si elle allait lui enlever cette douleur qui le tiraille depuis quelques temps. Il s’enfonça de plus en plus dans le divan, comme si il commençait à trouver sa place ici.
Lorsque Luc, son meilleur ami, lui avait conseillé une de ses maisons pour qu’il s’écarte un peu et reprenne ses idées, Denis était réticent par rapport à cette idée. Partir quelque part, sans aucun point de repère n’était pas la meilleure chose à faire pensa t-il au début. Mais au bout du compte, il était devenu impossible de rester vivre, là où il n’y avait plus que souvenirs, que douleurs. Les pièces, les murs étaient encore imbibés des rires, des joies, des pleures de Léonore. C’était insurmontable. Il fallait qu’il parte.
Depuis cette terrible épreuve, il s’était juré de ne plus jamais tomber amoureux. D’une part par respect pour Léonore et deuxièmement, l’amour est quelque chose que l’on croit beau et qui peut vous emmener haut. Mais au bout du compte, il fait plus de mal qu’autre chose. Plus jamais, s’était-il promit, qu’il ouvrait son cœur pour quelqu’un.
Mais on a tendance à croire que l’on a le dessus sur ce genre de choses, que l’on peut contrôler ses sentiments, hélas non. Denis tenta d’enfoncer cette idée, de l’enterrer au plus profond de son être, mais en vain.
Il se sentait attiré par Tara et c’était bien plus fort que lui…
A suivre…
MindGame.