26 octobre 2006

[Cinéma] L’effet Johansson (par MizAxton)


On le disait en plein déclin et la plupart des critiques avaient rangé leurs superlatifs dans leurs stylos pour se contenter de parler du maestro en des termes polis. Pourtant, Woody Allen revient pour la seconde année consécutive (car que serait un Noël sans le Woody Allen annuel ?) avec la délicieuse, la charmante, la surprenante Scarlett Johansson.

C’est en effet avec la belle américaine, et pour la seconde fois sur le territoire londonien, que le dinosaure névrotique du cinéma new-yorkais retrouve un nouveau souffle cinématographique.
"Scoop !", le dernier Allen, s’annonce excitant (même si les premiers critiques l’annoncent un peu moins parfait, mais plus drôle que « Match Point ») : Une étudiante en journalisme prête à tout pour faire publier ses articles (Scarlett Johansson) se retrouve affublée d’un magicien lunaire et loser (Woody Allen) comme comparse.

Comme le dit Allen lui-même, Scarlett n’était pour lui qu’une bonne actrice, assez jolie, parmi les autres. C’était Kate Winslet qui devait normalement tenir le premier rôle dans « Match Point. » Mais lorsque l’anglaise se retire au dernier moment, il fait appel à l’américaine qui saute immédiatement dans le premier avion. Dès les premiers essais, le cinéaste est conquis. A tel point qu’il envisage déjà de tourner un second, puis un troisième film, avec l’héroïne de « Lost in Translation » (Sofia Coppola).

Woody Allen découvre un élement nouveau grâce à Scarlett qui, comme il l’explique, a une terrible qualité : la caméra aime son visage ! L’élément nouveau, c’est l’érotisme. En effet, les films précédents du cinéaste étaient davantage névrotiques et cérébraux, le sexe était toujours intellectualisé. Mais il trouve rapidement que la sensualité et la douceur de la jeune actrice (21 ans) apporte un plus au scénario de « Match Point » et il laisse les regards s’électriser, les corps s’attirer. Pour la première fois, les personnages de Woody Allen ne se posent plus de questions sur le sexe (fini l’époque de « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais avoir osé le demander »). Désormais, les personnages se sentent libres et prêts à consommer. Dans la foulée, il réécrit le scénario de « Scoop », au départ écrit pour un homme, et le propose à la jeune actrice qui accepte.

Toutefois, le plus étonnant reste d’entendre l’un des écrivains les plus drôles (Allen) nous dire qu’au final, c’était toujours Scarlett la plus drôle sur le plateau !!! « J’avais ça aussi avec Diane Keaton. Dans ce genre de films, il faut essayer d’être drôle à chaque fois qu’on ouvre la bouche. J’écrivais mes scénario avec toutes les blagues, mais au final, c’était toujours elle la plus drôle ! » (pour le plaisir, revoir « Meurtre mystérieux à Manhattan » avec Diane Keaton)

Autre élément déterminant : le décor. Alors que les films précédents se déroulent à New-York, « Match Point » et « Scoop » se déroulent à Londres. Le prochain se tournera à Barcelone et le suivant devrait se tourner à Paris. Grande nouveauté de la part d’un homme anxieux détestant voyager (excepté pour ses concerts de Jazz, car Woody Allen est aussi un excellent clarinettiste). Question de budget et de liberté nous dit-il « Les Anglais ont simplement dit : on adorerait faire un film avec vous ! Je leur ai présenté le projet, ils m’ont répondu qu’ils étaient OK et que l’argent m’attendait à la banque ! Aux Etats-Unis, les producteurs actuels lisent et relisent le scénario et veulent à tout prix savoir qui sera dans le film. Si j’avais persisté à travailler avec eux, les interférences auraient été nombreuses ».

Un mal pour un bien, donc, et une nouvelle jeunesse pour le cinéma de Woody Allen, car on retrouve le maître de la comédie juive psychotique au meilleur de sa forme !
Qu’est-ce qu’on dit ? Merci Scarlett !

(source « Les Inrockuptibles » - numéro 569)