
(Quatrième partie)
Les yeux fermés, il se laissa emporter par le sommeil, sachant très bien qu’il allait de nouveau revivre un de ses mystérieux rêves contre lequel il ne pouvait lutter. Il commençait à en connaître le prologue par cœur, comme si il avait écrit lui-même le déroulement.
Il avançait péniblement et lentement dans un tunnel sombre. Ce tunnel, il le connaissait plus que tout. C’est là, où il devait combattre sa propre folie, ses propres angoisses. L’odeur était mélangée à celle du sang séché et du corps en putréfaction. Il n’y avait que lui dans ce gouffre, il devait mener son combat seul. Il commençait à entendre les cris des âmes perdues, des sons stridents, des plaintes enragées. Il sentit les pulsations de son pouls augmenter, telle une alarme qui lui disait de faire demi-tour. Mais quelque chose l’en empêcha, il voulait savoir ce qu’il y avait au bout de ce tunnel et qu’est qu’il l’attendait. Il savait que tout ceci n’était que cauchemar, le pur fruit de son imagination… Mais il pressentait qu’un jour ou l’autre, son inconscient allait lui offrir la clé de toutes ses questions. Il continua d’avancer, sentant sous ses pieds le sol bouillant et humide, comme si il marchait sur de la lave ou pis, son propre sang en ébullition. Il n’avait plus la sensation d’être dans un corps, il était comme un vent fuyant, un ouragan entraînant tout ce qu’il y avait autour de lui.
Denis commençait à percevoir au loin une lueur rouge, qui l’attirait de plus en plus. Elle était aussi écarlate qu’un soleil couchant, aussi rouge que l’œil du démon. Il n’était plus qu’à quelques mètres de celle-ci, il s’arrêta un instant. La lueur était une sorte de membrane de trois mètres de diamètre. C’est la première fois qu’il en était aussi proche. D’habitude, il se réveillait toujours en sursaut lorsque il arrivait devant cet immense œil injecté de sang. Il savait, maintenant qu’il devait passer à travers la membrane. Il essaya d’abord avec un doigt. Son index passa à travers facilement, puis progressivement passa son poignet, son bras jusqu’à se retrouver complètement de l’autre coté. Il venait de pénétrer dans les limbes de son inconscience.
D’abord il vit une vaste brume bleuâtre. Il regarda par terre et vit qu’il marchait sur du charbon, des cendres encore tièdes. Il continua à marcher, comme un nomade dans un désert noir de combustion. Il ne savait quelle direction prendre, tout n’était que dunes de cendres et obscurité lugubre. Au loin, il vit une silhouette inerte, comme si cette dernière l’attendait. Il s’en approcha et constata qu’elle lui tournait le dos. Elle devait bien faire deux mètres de haut et portait une cape noire tels les anges de la mort. Lorsqu’il la détourna pour lui faire face, Denis compris que devant lui se dressait une statue au visage enfuit dans sa capuche. Il se dressa sur la pointe des pieds pour arriver à la même hauteur de la sépulture et abaissa la capuche. Denis fit un bon en arrière, comme si une balle venait de le percuter en plein cœur. Le visage de la statue lui fit un choc. Ses orbites étaient dénudées de tout regard, comme si on lui avait arraché les yeux à l’aide d’une cuillère. La sépulture donnait l’impression de pousser un cri dans la nuit, pour en déchirer le ciel. Denis s’en écarta pour mieux l’observer, la comprendre. Qu’est ce qu’elle pouvait bien représenter dans son inconscient ? Est-ce une part de lui-même, un fragment de son être qui aurait été à jamais traumatisé ?
Il vit que la statue tenait dans sa main gauche, un morceau de papier à la couleur jaunâtre, comme du papyrus. Il prit le bout de papier et vit qu’il était écrit quelque chose dessus. D’abord, il ne comprenait pas. Il ne voyait que trois mots, sans en comprendre le moindre sens, le moindre message. Mais lorsque qu’il fit la liaison des trois mots, il comprit que ce message lui était destiné. « Je te vois ». Voilà ce qu’il avait maintenant en face des yeux… Quelqu’un ou quelque chose prétendait le voir ou encore l’observer.
Soudain, sa vue se troubla. La statue commença à fondre et le morceau de papier se consuma tout seul. Quelque chose ne tournait pas rond, il s’apprêtait à un nouveau choc. Il entendait des appels, quelqu’un criait son nom au loin, une femme peut-être. Les appels se faisaient de plus en plus proche, comme une alerte, jusqu’à ce qu’il fût pris de spasmes. Il tremblait de partout, voir vibrer. Il sentait des mains venir se poser sur ses épaules pour le secouer… Et comme un apnéiste, il remontait jusqu’à la surface de sa conscience et se réveilla.
Tara se tenait devant lui.
- Denis, vous êtes sur que ça va ? Je vous parlais depuis la cuisine et vous ne répondiez pas. J’ai cru un moment que vous étiez partit… Lorsque je suis arrivée dans le salon, vous étiez endormis mais vous gesticuliez d’une drôle de façon, comme si vous étiez pris de panique.
- Désolé Tara, je me suis assoupis un peu… J’ai du faire un cauchemar.
Denis n’osa expliquer, pour le moment, à Tara ce qu’il venait de vivre. Par réflexe il regarda l’horloge. 05h10.
Il s’était endormit, ou plutôt enfuit dans les Limbes pendant douze minutes.
A suivre...
MindGame.