03 novembre 2007

La suite du récit d'une jeune femme par marge


Nous nous essayons sur le banc qui se trouve au bord de la toute petite falaise et nous regardons le ciel et ses étoiles. La lune est magnifique. Nous écoutons un canard nous parler. Les chouettes se taisent pour nous offrir un moment de silence. Le vent est glacial. Je me blottis contre cet homme pour me réchauffer. Il me prend alors dans ses bras. Nous restons là des heures, l’un contre l’autre. Tous les deux un peu mal à l’aise. Je ferme les yeux pour profiter de l’instant présent et je sens alors la douceur et la délicatesse de ses lèvres frôler les miennes. Je lui rends ce baiser qu’en réalité j’attendais depuis mes douze ans.

En effet, je connais François depuis environs neuf ans. Je l’ai rencontré alors que je faisais partie d’un mouvement de jeunesse. Il était chef scout. Nous avions déjà fait un camp ensemble l’année précédente et déjà je le trouvais séduisant. Toute l’année durant, je n’avais d’yeux que pour lui alors qu’il ne me voyait même pas. Il en aimait une autre paraît-il. Toutes les autres filles du groupe le trouvaient moche, pas attirant, dénué de charme. Moi, je trouvais qu’il ressemblait à un petit prince. Il était charmant et attirant avec son air de Travolta. Et ses yeux bleus… Quand il n’était pas aux réunions, je m’ennuyais. Et puis, il y a eu ce deuxième camp. Là, il semblait m’avoir enfin remarquée. Il me regardait, me souriait, discutait avec moi. Mon père m’avait alors dit de me débrouiller pour rentrer du camp car il ne savait pas venir me chercher. J’ai donc tout fait pour que ça soit François qui me raccompagne chez moi. Il était déjà fort timide et moi aussi. Ses parents mon ramenée chez moi. J’étais assise sur le siège arrière de la voiture verte, à côté du petit prince. Je devais être rouge pivoine. Je n’osais rien dire et à peine bouger. Je n’étais qu’une gamine amoureuse.

La semaine suivant le camp, j’étais en stage d’équitation résidentiel. Plus tard, j’ai appris que pendant ce stage, François était venu à la maison pour me voir. Mon père l’avait envoyé se faire voir en le traitant de pédophile. Il avait quand même sept ans de plus que moi. J’ai aussi appris qu’un autre scout, à peine plus jeune que François, avait téléphoné pour me parler et, lui aussi, s’était fait éjecter par mon père. Il s’appelait Valéry et il m’aimait bien. Quand je suis rentrée de mon stage, mon père me l’a expliqué et m’a dit qu’ils feraient mieux de s’attaquer à des filles de leur âge. Moi, je trouvais les garçons de mon âge pas intéressants.

Le temps a beaucoup passé. J’ai retrouvé François à plusieurs reprises et l’on s’est perdu de vue à plusieurs reprises. Ensuite, on s’est retrouvé sur internet. Et on n’a plus perdu contact. Mais Valéry est décédé il y a peu. J’aurais pourtant voulu un jour lui donner un peu de ce qu’il attendait de moi. J’aurais juste voulu qu’il sache que je ne suis pas comme mon père et que je ne pense pas comme lui. Maintenant, il est trop tard et parfois je m’en veux. On devrait toujours faire ce que l’on pense quand il est question de sentiments d’amour.